La diablesse

Elle baladait son abondante crinière rousse sur tous les chemins de rondes qui ceinturaient la forteresse de son père, le comte d'Estournel. Une arbalète à l'épaule, aucun archer, aucun mousquetaire ne l'aurait provoqué pour tout l'or du monde. On la respectait, on la redoutait mais secrètement, tous la désiraient d'un feu impossible à éteindre. Car elle était belle, certes, la bâtarde du comte, et elle régnait en maîtresse absolue au château d'Estournel. Mais encore… Elle dégainait l'épée comme un homme, elle crachait par terre comme un homme et elle culbutait les filles de ferme comme un homme. Aussi, on avait un pari parmi la petite armée du comte : celui qui réussirait l'exploit de mériter le pucelage de cette délicieuse virago, remporterait une partie de la solde de tous ses compagnons d'armes. On y rêvait sans y croire vraiment jusqu'au jour où l'on enrôla un très jeune cadet, un gitan du nom de Goran. Quelques muscles commençaient à saillir sous son gilet lorsqu'il s'exerçait à la rapière avec les hommes dans la cour. On était en Gascogne au 17e siècle et personne ne rigolait avec le métier des armes. Le jeune Goran avait prouvé son courage quelques jours plus tôt lorsqu'il avait sauvé un mousquetaire d'une échauffourée et son embauche chez les d'Estournel était la récompense à cet exploit. Outre sa bravoure, le jeune Goran avait pour lui une beauté toute délicate. De longs cheveux noirs ondulant dans la brise, des iris d'un noir sans impuretés, prisonniers d'yeux étirés comme des amandes. Son visage présentait les traits tout en douceur de certaines icônes religieuses du temps. Les femelles du château n'avaient plus de regards que pour lui. À l'instar de toutes. Roxane s'éprit aussi du majestueux Goran et les paris reprirent alors avec quelques variantes. On misait désormais sur le temps que Goran mettrait à enfiler pour de bon cette belle fille un peu trop farouche. Roxane avait pris l'habitude de se battre avec Goran. Leurs duels étaient féroces et souvent interminables. Les mousquetaires avaient aussi remarqué que les filles du château envahissaient les croisées chaque fois que ces deux fous du combat s'affrontaient. Le comte, lui, souriait. Il connaissait bien sa fille et présageait avec ironie des résultats des paris de sa petite armée. Car le comte admirait la force et le tempérament de cette chair de sa chair et savait pertinemment que Roxane éviterait scrupuleusement le piège des amourettes banales. Le spectacle des duels se répétaient donc chaque jour sous les applaudissements de la valetaille et des mousquetaires sans qu'aucune trace de complicité plus intime n'apparaisse. Et l'on s'impatientait. Si bien que les mousquetaires avaient décidé d'épier la jolie Roxane de jour comme de nuit. Des escadrons de surveillance se succédaient afin de surprendre le moindre déplacement suspect. Puis vint enfin une nuit… La lune joufflue, jetait de grands éclats de clarté sur tous les chemins de ronde. C'est ainsi que le cadet Rostand avait distingué une sombre silhouette se découpant sur la façade sud du donjon. L'individu, complètement enveloppé d'une cape à capuchon descendait rapidement les degrés contournant le donjon pour se faufiler à travers une fissure du rempart et se diriger vers la crypte ancestrale. La sentinelle, après avoir réveillé un complice, avait suivi le mystérieux personnage, devinant qu'il s'agissait sûrement de la désirable Roxane. Parvenus à l'entrée de la crypte, les mousquetaires avancèrent avec précaution et se dissimulèrent derrière une cloison de pierres. Et là, tapis dans l'obscurité humide de ce lieu sépulcral, ils firent la plus étrange découverte. La souveraine Roxane, offrait aux regards sa nudité totale et affriolante. Sa chair si tendre et légèrement rosée semblait être la pièce maîtresse d'un banquet secret. Sa poitrine, incroyablement lourde, dardait ses pointes altières et gonflées vers la petite assistance troublée. Trois garçons et deux filles, dont le jeune Goran, la toisaient avec du feu dans les prunelles. Elle les dévêtit un à un, tendrement, caressant parfois un sein qui jaillissait d'un corsage, tâtant aussi de grosses bourses déjà remplies de désir. Le sexe des deux compagnons de Goran, incapables de résister ni aux effleurements, ni au spectacle qu'ils subissaient, avaient pris des proportions considérables. Roxane, après avoir dénudé tous ses disciples à l'exception de Goran, s'étendit sur un lit de paille fraîche et commanda le début de cette fête singulière. On se rua sur elle et on la mordit avec gourmandise sur tout le corps. Goran, figé, observait la scène avec une sorte de rage muette que le regard froid et dur de Roxane obligeait à…

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MARDI 28 SEPTEMBRE 2004

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