Sur le divan du psy !

J'avais des problèmes ! Mais qui n'a pas de problèmes ? Je les croyais simplement existentiels, on m'a dit qu'ils étaient sexuels. Et, puis, c'était très mode dans les années 75, d'aller voir un psy. Encore plus, d'être en analyse chez un élève du grand Maître. Jacques Lacan. Un pur et dur, les mâchoires désespérément clouées et qui vous balançait une phrase énigmatique toutes les trente-six séances. Croyez-moi, ça fait cher le mot… Je coûte parce que j'écoute, disait-il. Et vlan ! Après deux années de dur labeur sur un divan où je tentais vainement de dépoussiérer les zones obscures de mon inconscient au rythme de trois séances par semaines, disséquant mes rêves, jouant du signifiant et du signifié, réussissant mes actes manqués, je prends ça en pleine gueule : - Parlez-moi de vos fantasmes homosexuels ! Quoi ? Qu'est-ce qu'il me sort le zigue ? Moi homo ? Là, il déraille complètement. Bon d'accord, chez les nanas, j'étais plutôt attiré par leurs jolies fesses et je me sentais toujours frustré quand je tombais sur une fille qui refusait de se faire sodomiser. Mais j'ai bien dit les nanas… Pas les mecs. Un cul de mec ? Pouah ! Quelle horreur ! Désolé de vous contredire, mon vieux, mais les fesses masculines, c'est pas du tout mon truc. Des fantasmes « homo », comme il dit, j'en ai pas. J'en avais jamais eu que je lui balance, sûr de moi. Je suis un hétéro, un point c'est tout ! Silence. Très long silence. Derrière moi, juste un petit raclement de gorge pour m'inviter à me laisser aller aux jeux des associations d'images qui traversent mon esprit. Mais je n'ai rien à ajouter. J'ai plutôt envie que ce soit lui qui en dise plus. Les Lacaniens, c'est toujours quand tu as envie qu'ils parlent, qu'ils se taisent. Ils sont comme ça. Ils font «le mort» pour laisser la place à la parole. En tous cas, moi, dès que je suis sorti de chez lui, tout bouleversé que j'étais, je me suis précipité dans une librairie et j'en suis ressorti avec du Freud, du Dolto et du séminaire du Maître sous le bras. J'en ai appris des choses… Qu'enfant, par exemple, j'avais été un pervers polymorphe. Rien que ça, ma chère maman ! Que j'avais passé du stade oral au stade anal et sadique anal avant d'en arriver au stade génital. Que j'étais ambivalent, que j'avais souffert du complexe de castration et du complexe d'Oedipe… Moi, de petit, je me souvenais des gros nichons de la tante Yvonne, la sœur de mon père. Deux obus felliniens qu'elle affichait avec arrogance et qui me faisaient peur. À part ça, j'étais un gentil petit garçon, bien élevé et tout à fait comme les autres. J'aimais le foot, le rugby, rien que des choses viriles et je n'avais aucune manière efféminée. Non ! À coup sûr, le psy devait mélanger les histoires de ses patients, me confondre avec un autre. Un cul de mec ! Le plus fou, c'est qu'avec sa phrase terrible, il m'a complètement dérouté et je n'arrêtais plus d'y penser. J'avais besoin de me rassurer, je voulais prouver qu'il s'était trompé. Adolescent, c'est vrai qu'on se comparait nos zézettes avec les copains du quartier. Mais qui ne l'a pas fait ? C'était juste pour voir celui qui avait déjà des poils ou celui qui possédait la plus grosse. Des jeux innocents qui ne traduisaient certainement pas cette homosexualité dont il me rabattait les oreilles ! Faut que jeunesse se passe, non ? Interne au lycée, j'ai participé à plusieurs concours de branlettes. C'était à celui qui éjaculerait le plus loin, installés tous à poil et côté à côte dans la salle de bain, face aux lavabos. Et puis, pour se faire bander, on s'échangeait des photos. Si j'étais homo donc, je l'aurais su. Je passais sous silence ma relation privilégiée avec Bruno… Une amitié exclusive que ce dernier avait détruite en sortant avec une fille… Bien sûr que je ne supportais pas cette pintade. J'étais même fou de jalousie, sauf que je ne me le disais pas. Ça je ne l'ai pas avoué à mon psy. Je ne pouvais pas le lui dire, vu que j'avais du mal à me l'avouer à moi-même. Alors, je prétendais que mon seul problème sexuel, c'était tout juste cette «sodomanie» obsédante vis-à-vis de mes partenaires. Et vlan ! J'en prends un deuxième coup en…

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MERCREDI 11 MAI 2005

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