LA FOIRE AUX MECS - I

Il y avait chaque année au village de Galion-sur-Mer une foire commerciale où seuls les hommes étaient généralement admis. Certes, avec la montée du féminisme et la place grandissante des femmes dans la société, on tolérait maintenant celles qui y venaient. Mais on ne trouvait encore là qu'en majorité des hommes. Le village était charmant. Les maisonnettes de pierres, construites les unes contre les autres, possédaient chacune des fleurs aux fenêtres et des volets de différentes couleurs. On circulait parmi de jolies ruelles tortueuses mais ensoleillées, puisque le toit des masures restait assez bas, et tous ces petits sentiers pavés menaient à la Grande Place où se tenait la foire. On y dressait de gigantesques chapiteaux dans lesquels des dizaines de petits kiosques offraient des produits uniquement destinés à la consommation masculine, ce qui indignait les quelques femmes qui osaient s'aventurer auprès des boutiquiers. En fait, cette foire étrange cachait un secret centenaire, un secret que seuls les initiés connaissaient. Les hommes de Galion-sur-Mer étaient des pêcheurs depuis des générations. Et comme ils partaient souvent des semaines en mer, ils avaient pris des habitudes sexuelles particulières entre eux. Or l'un d'eux avait eu un jour l'idée d'organiser une grande fête, sous prétexte de foire commerciale, pour connaître d'autres pêcheurs ayant les mêmes m urs mais venant d'autres régions. À force de lettres codées, envoyées au hasard à des ordres de pêcheurs, il finit par intéresser un nombre important d'hommes, lesquels chaque année, se mirent à affluer de plus en plus nombreux. Au bout de 108 ans, la foire était devenue un lieu culte, qui attirait maintenant des dizaines de milliers d'hommes exerçant tous les métiers du monde. L'arrière-petit-fils de l'initiateur de cette foire s'appelait Savinien La Fantaisie. Il avait perpétué la tradition tout en y amenant un certain nombre de nouveautés des plus exquises. Les boutiques, au goût du jour et subissant les influence du Marais, devenaient de plus en plus crades et les femmes du village s'inquiétaient du nombre grandissant de participants à mesure que les années se succédaient. Elles flairaient le mystère et, tout entières à l'incorrigible curiosité féminine, elles avaient dépêché leurs deux meilleures espionnes afin de découvrir le fin mot de l'histoire. L'une d'elle était justement la petite amie de Savinien. Elle s'appelait Justine et son instinct redoutable plongeait souvent les gens dans le pire des embarras. Sa compagne d'enquête se prénommait Alice et les intuitions de cette dernière avaient déjà dévoilé de nombreuses infidélités dans ce petit village paisible en apparence. Les deux audacieuses partirent donc à l'aventure de cette nouvelle édition avec la ferme intention d'en découvrir les véritables secrets. Alice et Justine furent rapidement méconnaissables. Quelques modifications au visage grâce à du maquillage de scène, des perruques appropriées, des vêtements masculins assez amples et des bottes à double fond, histoire de gagner quelques centimètres afin de rendre cette transformation parfaitement crédible. Maintenant, elles avaient toutes les deux des tronches de bikers et un air de tueur infréquentable. Évidemment, cette dégaine leur procurait un respect et une crainte de la part des autres, tout à fait providentielle au maintien de leur incognito. Elles firent donc une ronde en traînant d'un kiosque à un autre, cherchant à glaner une info ou à surprendre un mystère. Mais jusqu'au soir, rien ne les surprit vraiment et elles furent sur le point d'abandonner lorsqu'une cabine en retrait attira leur attention. Sur la porte, il y avait une signe : deux matelots s'enlaçant. Intriguées, elle décidèrent d'aller voir ce que cachait cette porte. La cabine rappelait ces petites cabanes de jardin que l'on trouve parfois derrière les vieilles maisons campagnardes. Elles poussèrent la porte de bois, qui n'était aucunement verrouillée, et pénétrèrent dans un petit vestibule sombre donnant immédiatement sur un escalier descendant. Elles s'enfoncèrent lentement dans le ventre de la cabane et aboutirent dans une vaste salle circulaire, éclairée uniquement par de petits bougeoirs fixés au mur de pierres. Elle remarquèrent alors que chaque bougeoir était placé à côté d'une porte et qu'il y avait en tout une douzaine de portes. Intriguées, elles se dirent qu'il devait exister une sorte de confrérie secrète en ces lieux et que, comme elles n'en connaissaient pas les codes, elles seraient sans doute illico démasquées si elles tentaient de passer l'une de ces portes. Mais puisqu'elles étaient là et que de toute façon, leur investigation n'irait pas plus loin, elles se risquèrent quand même. Chacune des bougies présentait une couleur différente. Les filles notèrent alors qu'elles allaient franchir la porte associée à la bougie verte. Elles entrèrent dans une sorte

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DIMANCHE 22 AOûT 2010

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