LES NANAS MOUSSAOUI

Les femmes de la famille Moussaoui menaient leurs bagnoles chez Lulu depuis une dizaine d'années. On ne jurait que par la garagiste Lulu, la seule à Paris capable de comprendre la mécanique de tous les moteurs imaginables. Il n'était pas rare de voir traîner sur les établis du garage de petits engins appartenant à des aspirateurs, des outils, des rasoirs et autres bricoles domestiques. Lulu, c'était la reine de la mécanique. Et les femmes du clan étaient autorisées à y aller seules car leurs mecs avaient une entière confiance en Lulu. La seule Moussaoui à n'être pas encore venue chez Lulu était la petite dernière, la belle Rima. À dix-neuf ans, elle venait à peine de faire l'acquisition de sa première bécane, une BMW usagée, offerte par son papa qui l'adorait et qu'elle devait remettre en ordre avant de l'enfourcher. Les femmes Moussaoui la conduisirent donc chez Lulu et l'abandonnèrent en souriant à la science de la réputée mécano. Lulu la reçut en bougonnant; c'était sa façon. Elle parlait peu, n'émettant bien souvent que des fragments de mots, désignant plutôt du geste la pièce à remplacer. Elle était grande Lulu, un bon mètre soixante-quinze et flottait dans sa large combinaison bleu. Son visage recouvert de graisse brune paraissait pourtant receler d'agréables traits. Rima remarqua aussi que ses mains, assez robustes pour une nana, se terminaient par des doigts carrés aux ongles coupés courts. Cette particularité attira son attention. Lulu passait régulièrement sa main gauche dans ses cheveux qu'elle portait calés derrière l'oreille et qui lui descendaient jusqu'à la nuque. L'huile déposée par ce geste donnait une teinte vaguement brune à cette chevelure qui semblait toutefois rousse à l'origine. Rima observait la mécano démonter le moteur de sa moto, assis sur un vieux bidon d'essence, tentant vainement d'entretenir la conversation. Comme elle n'obtenait que des «ouais !», des «sais pas !», des «bah !». Rima s'approcha pour voir de plus près les opérations de Lulu. Elle sentit d'abord, comme à travers un brouillard d'odeurs grossières, les effluves pimentées d'un parfum raffiné. Mais à mesure qu'elle avançait la tête par-dessus l'épaule de la mécano, la fragrance dégageait des relents plus musqués et la jeune femme s'en troubla. Pourtant, ce n'est qu'à la vue des lèvres magnifiquement ourlées de Lulu que Rima ressentit véritablement la nature de son émoi : elle mouillait ! Quelle bouche elle a cette Lulu ! Et cet étrange duvet de poils au-dessus de sa lèvre !! Du dos de la main. Lulu avait fait disparaître de ses lèvres une grosse tache noire qui lui barrait la bouche et empêchait d'en distinguer la beauté. Une fois la tache essuyée, on ne voyait plus que cet oeuvre labiale, d'une carnation avoisinant le rouge obscène et d'une générosité affamant les sens. Rima fit un pas en arrière, complètement déroutée par sa découverte. La mécano se retourna sans surprise et lui sourit. Alors Rima prit note de la blancheur de ses dents, une bouche soignée, un peu inhabituelle chez les mécaniciens de ce quartier. De grands yeux noisettes bordés de longs cils en éventails éclairaient son visage soudain exempt de toute ambiguïté. Lulu mâchouillait un bout de tube plastique, ce qui lui donnait des airs d'ancien bagnard et une petite grimace faite à l'endroit de Rima lui permit de comprendre que la mécano ne souffrirait aucune question. La jeune Moussaoui, à la fois embarrassée par la réaction de son sexe et la personnalité de la mécano de sa famille voulut sortir prendre un peu d'air frais. Lorsqu'elle réalisa que toutes les issues étaient impraticables, une petite panique la titilla. C'est alors que Lulu vint à sa rescousse et la prit par le bras pour la mener dans son bureau. Vraisemblablement les clients ne venaient pas souvent dans le bureau de Lulu car la pièce reluisait de propreté et de bon goût. Une pièce immense, en réalité, avec toutes les commodités souhaitables : bar, billard, canapé somptueux, réfrigérateur, cabinet d'aisance, écran télé gigantesque, chaîne hi-fi de haute performance. Lulu, ne parlant toujours que par signes, offrit une bière, une blonde hollandaise, à Rima qui ne buvait jamais. La pauvre Rima enfila le contenu de la bouteille à une vitesse qui fit sourciller la mécano. Elle en redemanda une autre. Après la quatrième. Rima, titubant grave, attaqua en défaisant sa braguette : - Okay madame la mécano, tu es gouine et tu veux me bouffer la chatte, c'est ça ? Ben, te gêne pas ! Lulu, qui jusque là avait observé la jeune…

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JEUDI 12 AVRIL 2007

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